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Défi #2 S’initier au Clair-Obscur

    Tournesol en clair obscur (V. Lacroix 2019)

    Dans ce nouveau défi, nous allons nous initier à la technique du clair-obscur.

    Le clair-obscur

    Notre compréhension du monde par le biais de la vision passe par l’interprétation du contraste de clarté, c’est-à-dire l’identification des zones claires et sombres. Quand celles-ci sont modulées avec finesse, que la majeure partie de la scène est plongée dans l’obscurité et que quelques zones plus claires nous laissent percevoir des détails, on qualifie ce contraste de « clair-obscur ».

    Maîtrise du Clair-Obscur: « Le souper à Emmaüs  » de Rembrandt (peinture à l’huile 1629)

    On le retrouve dans toutes ces peintures, gravures, photos, dans lesquelles nos yeux distinguent, au milieu de zones sombres, des zones plus claires qui nous permettent d’appréhender la forme, de percevoir la surface des objets, des figures, ou de n’importe quel élément de la scène. Ce procédé crée une profondeur et un effet dramatique si le sujet le suggère. Il convient aussi bien aux portraits qu’aux paysages et aux natures mortes.

    Le contraste clair-obscur est maximal quand le noir et le blanc sont utilisés, un noir profond et un blanc éclatant. Mais rien ne vous empêche de l’exploiter également en opposant des couleurs très claires et des couleurs très sombres, comme des jaunes ou oranges pour les tons clairs et des bruns, violets ou bleus pour les tons foncés.

    S’inspirer

    De la peinture

    Parmi les peintres « classiques », Georges de Latour, Rembrandt ou Vélasquez sont reconnus comme maîtres en la matière.

    « Les Ménines » de Vélasquez (huile 1656-1657)

    De la gravure

    Rembrandt a aussi utilisé ce procédé dans ses gravures. Bien qu’il ne l’aie jamais pratiquée, la manière noire est la technique de gravure qui convient le mieux au clair-obscur: elle consiste à amener petit à petit de la lumière dans l’œuvre graphique initialement noire.

    « La boîte de conserve » de Laurent SCHKOLNYK (manière noire 2005)
    « Autoroute 1 » de Sylvia Bataille

    Découvrez sur ce blog le travail de graveurs contemporains qui maîtrisent cette technique.

    De la photographie

    Les pictorialistes, des photographes s’inspirant largement de la peinture, ont contribué à l’usage du clair-obscur en photographie.

    « Au coucher du soleil », photographie de Léonard Misonne (1901)

    Aujourd’hui, le terme technique du procédé est « low-key », traduisant le fait qu’on sous-expose globalement la photographie, même si en réalité on expose correctement les parties très illuminées en plongeant volontairement les parties sombres dans un noir bien assumé.

    « Paris la nuit » photographie de Brassaï dans les années 1930.

    La série « Paris la nuit » de Brassaï est un bel exemple de l’usage du clair-obscur pour le paysage; regardez comment l’éclairage saisit le relief des pavés, les textures différentes de la route et des trottoirs; l’humidité nous traverse pratiquement la peau.

    Dans un esprit plus inquiétant et plus contemporain, le travail en couleur de Gregory Crewson en est un autre.

    Photographie © Gregory Crewson

    Du cinéma

    Au cinéma, le clair-obscur a aussi été abondamment utilisé dans la grande période du cinéma noir et blanc; il l’est encore aujourd’hui. Dans une interview, Lukasz Zals, le directeur de photographie de « Cold War » , nous dit combien le contraste est fondamental dans la construction du film.

    Observer

    A présent, vous avez parcouru plusieurs sources d’inspiration; arrêtez-vous sur les travaux qui vous ont le plus parlé, soit au niveau pictural, soit au niveau émotionnel. Cherchez-y les zones claires, identifiez-les, promenez votre regard dans la scène, admirez-y les détails. Cette habitude d’identifier les zones claires et sombres vous sera toujours utile, car elle est à la base de la composition de l’œuvre visuelle. Et pour ancrer cette habitude, comme je le partageais dans l’introduction à cette série de défis couleur, lors de visites d’expositions, prenez des croquis où vous notez les zones claires comme présenté ici.

    Pour vous aider, clignez des yeux: vous activerez alors plutôt vos bâtonnets, des cellules de la rétine sensibles uniquement à la clarté.

    Identifiez les zones claires sur le tableau des Ménines de Vélasquez

    Dans cet exemple « les Ménines » de Vélasquez, j’ai identifié une série de zones plus claires que l’ensemble. Dans un second temps, sur un fond noir, je me suis contentée de passer rapidement un pastel blanc (digital) sur celles identifiées comme claires. Après coup il ma semblé que le peintre, situé un peu en arrière-plan à gauche, devait aussi être souligné par du pastel alors qu’initialement je ne l’avais pas noté.

    Les zones claires dessinées au pastel (digital)

    Observez comme la seule information qui souligne graphiquement les zones claires est pertinente. Suis-je optimiste en pensant que cette simple esquisse permet à toute personne qui a déjà vu ce tableau de le reconnaître au premier coup-d’oeil?

    Testez-vous sur d’autres reproductions. Avez-vous bien identifié les zones claires? Validez en prenant une photo noir et blanc. Là, les zones claires vous apparaîtront plus clairement. Si vous voulez encore mieux, utilisez l’outil « curve » qui permet de transformer la photo en image binaire où seuls le noir et le blanc sont présents.

    Reproduire

    Dans un autre exercice, en couleur cette fois, j’ai tenté de reproduire à la gouache, l’esprit de « l’homme au casque d’or » initialement attribué à Rembrandt (attribution contestée aujourd’hui). Voyez comme les reproductions disponibles sur internet diffèrent. La reproduction dont je dispose est située entre ces deux extrêmes.

    Sur une feuille de papier noir j’ai placé quelques repères au crayon en les décalquant d’une reproduction, l’idée étant de se concentrer sur la lumière, mettant de côté la géométrie c’est-à-dire les tailles et position des différents éléments du tableau.

    Là, pour les tons clairs, je voulais du jaune. Le jaune citron (Talens 205) me semblait trop froid (i.e. trop vert) pour rendre compte de l’éclat doré, aussi je l’ai mélangé avec une pointe de magenta (Talens 397), et ce en quantité variable selon les endroits, pour produire ces différentes nuances de jaune-orangé. Là je n’ai pas utilisé d’eau: trop diluée, la gouache jaune sur le noir apparaîtrait verdâtre. Pour les zones plus foncées, j’ai mis une pointe de violet dans le jaune-orangé, créant ainsi un brun chaleureux. Pourquoi pas une pointe de noir dans le jaune? Il aurait produit un kaki moins adapté au rendu que je souhaitais. Ci-dessous le résultat scanné (et corrigé).

    Reproduction de l’esprit « Clair Obscur » de « l’homme au casque d’or » de Rembrandt (gouache V. Lacroix 2019)

    Si l’exercice vous inspire, télécharger l’image, imprimez-là et décalquer les éléments principaux ou utilisez du carbone, si vous préférez. Puis peignez les zones claires en respectant le mieux possible leur clarté. Pour ma part j’ai fait le visage trop clair, je l’ai corrigé sur la version digitale du scan.

    Créer

    En photographie, pour exploiter le clair-obscur on disposera d’un fond foncé, sous forme de drap, de carton ou l’on profitera de l’obscurité d’une scène nocturne.

    Portrait de Natalia en clair-obscur (photo V. Lacroix)


    Dans cette photo argentique de Natalia, pour un modelé plus diffus des surfaces, notamment du visage, j’ai utilisé un papier calque, technique très appréciée par Missonne, cité plus haut. Le papier photographique ORIENTAL, un beau papier baryté à tons chauds a ensuite été viré au selenium, un procédé qui confère durabilité et protection à la photographie et qui lui apporte cette note sépia.

    Vous pouvez obtenir de beaux résultats même avec l’appareil photo de votre téléphone. La clef de la réussite: une bonne exposition de la scène. Dans l’exemple ci-dessous j’ai photographié des tournesols sur un carton noir. L’exposition doit se faire sur la couronne de la fleur, la partie la plus claire de la scène. Vous devrez sous-exposer la photographie car la cellule de votre appareil ignore que l’ensemble de la photographie est sombre; l’automatisme associé à la prise de vue tentera de corriger cette ambiance globale sombre en donnant une valeur trop claire au fond.

    Un filtre supplémentaire transforme l’image en sépia ou en bleu, comme le montre la photographie du tournesol présentée en introduction à ce défi.

    Mettez-vous au Clair-Obscur

    A votre tour, observez des tableaux, des photographies, ou encore d’autres œuvres graphiques. Reproduisez-les ou créez-en vous-mêmes.

    Commentez et partagez vos expériences dans la section commentaire ci-dessous.

    Vous pouvez également utiliser le contraste clair-obscur dans votre intérieur, avec, dans les zones éclairées, les bibelots que vous voulez mettre en valeur; il conviendra à des pièces naturellement sombres, des lieux qui vivent la nuit, des salons calfeutrés où l’on souhaite mettre quelques rares objets de valeur en lumière, et cacher éventuellement le désordre et la poussière présents dans le reste de la pièce!

    Exploiter le clair-obscur dans votre l’habillement? Pourquoi pas. Un ensemble noir avec quelques touches d’or sous forme de bijou ou d’accessoire me paraît la plus belle exploitation du procédé.

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    2 commentaires sur “Défi #2 S’initier au Clair-Obscur”

    1. Merci beaucoup Vinciane, pour cette découverte colorée.
      Je n’ai fait que parcourir pour l’instant tout ton blog mais de nombreux sujets m’intéressent.
      Nous en discuterons la semaine prochaine à l’académie.
      Bonne fin de semaine.
      Mariedo

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