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L’azurite — émotions bleues

    Pour une rentrée en douceur, voici un petit article sur l’azurite: un pigment bleu qui, associé à du noir de carbone, vous permettra de créer une série de nuances bleutées d’une très grande richesse. Il s’agit d’un bleu-vert d’une texture légèrement granuleuse, qui, contrairement au pigment lapis-lazuli, un outremer naturel, tire vers le violet.

    Jugez-en à l’échantillon ci-dessous.

    Vinciane Lacroix, Peinture azurite sur support MDF enduit et sur fond noir
    Vinciane Lacroix, Peinture azurite sur support MDF enduit et sur fond noir » (voir texte).

    Fabriquer ses peintures

    Réaliser ses propres peintures procure une réelle satisfaction.

    Oubliez l’idée de faire des économies; en effet, outre l’achat des matières premières (pigments, liants, charges, etc.), il faudra investir dans du matériel pour broyer les pigments, pour chauffer la colle, pour peser les ingrédients, etc.

    Mais si c’est pour un projet d’une certaine envergure, et que vous ne craignez pas les erreurs, allez-y!

    Par ailleurs, si vous cherchez de nouvelles pistes pour vos créations personnelles ou si vous êtes dans un creux créatif, l’exploration de techniques ancestrales et la manipulation directe de la matière première ne peut que vous enrichir.

    Apprendre seul ou accompagné

    Si vous êtes du genre prudent, avant de vous lancer, inscrivez-vous plutôt à un atelier d’un après-midi ou à un stage artistique où la fabrication des peintures fait partie du programme.

    Pour ma part, à l’achat de ma maison, j’ai réalisé une grande partie de la décoration intérieure à la chaux, alors que je n’y connaissais rien. Une rencontre fortuite avec une spécialiste de la fresque, une volonté de mettre la main à la pâte et le goût d’apprendre ont suffi. Vingt ans plus tard, le stucco à la chaux est toujours magnifique et continue à mettre en valeur quelques réalisations personnelles. Notez que ce bleu est plus violacé que celui produit par l’azurite présenté plus haut.

    Stucco bleu
    Vinciane Lacroix, une photographie mise en valeur sur un mur en stucco bleu.

    Des vidéos Youtube et des programmes en ligne offrent une alternative intéressante, même si la participation à un atelier en présentiel est toujours plus efficace pour apprendre, surtout quand il s’agit de gestes à acquérir.

    Pour cet article dédié à l’azurite, je vous fais part de ce que j’ai appris à l’occasion d’un workshop animé par Violette Demonty, une spécialiste des techniques de polychromie. Le tout bien sûr agrémenté de quelques autres sources de ma bibliothèque et d’internet.

    Historique

    L’exploitation de l’azurite date de 3000 avant J.-C.; la plus vielle mine était située à l’ouest du Sinaï mais n’avait pas pour objet la production de pigment. En effet, les Égyptiens lui préfèrent le bleu égyptien.

    Azurite cristalisée (source)

    Les Babyloniens et les Perses l’emploient quant à eux pour leurs peintures décoratives. Les Grecs et les Romains en font usage dans leurs peintures. Mais son coût est si élevé que le commanditaire doit le fournir lui-même à l’artiste. En Chine et au Japon, l’azurite est également utilisée dans la décoration murale.

    Chez nous, en occident, l’azurite est largement utilisée au moyen-âge; entre XVe et milieu du XVIIe siècle c’est même le pigment bleu le plus utilisé. Selon Violette Demonty, il était très prisé en combinaison avec l’or; les artistes en appréciaient le velouté et l’exploitaient pour rendre la chaleur et la richesse des vêtements.

    Aujourd’hui, quoique moins onéreuse que le pigment bleu de lapiz-lazouli, l’azurite reste très chère; son coût est comparable à celui de l’or: vous débourserez pratiquement la même somme pour 50 gr de pigment que pour 25 fines feuilles d’or de 8 cm2.

    Au travail!

    Sachez que comme il s’agit d’un pigment naturel, sa couleur peut varier d’un fournisseur à l’autre et même d’un lot à l’autre.

    Matériel

    Matières premières: pigment azurite en poudre (voir par exemple ici), pigment noir (par exemple noir de carbone), colle de peau de lapin (voir ici), eau.

    Préparation de la colle: une balance, une casserole, un bocal et un réchaud.

    Broyage des pigments: une plaque en verre ou en marbre, voire un miroir et une molette en verre (voir ici).

    Pour puiser et mélanger le pigment : couteau à palette et masque de protection contre particules fines.

    Support: papier ou MDF enduit d’une sous-couche ou mur enduit, etc.

    Enfin pour étaler la peinture: pinceaux et brosses selon votre propre goût.

    Matériel nécessaire pour préparer ses propres peintures
    Matériel nécessaire

    Préparation et réalisation

    Préparez la colle la veille en la diluant à 8%: 8 gr de peau de lapin pour 92 gr d’eau. Mettez-là au frigo et réchauffez-la au bain-marie juste avant de commencer votre travail.

    La couleur de l’azurite dépend de la granulométrie du pigment. Plus celui-ci est fin, plus clair est le bleu réalisé. Par ailleurs le pigment est peu couvrant, aussi les anciens préparaient-il une sous-couche plus claire avec du pigment finement broyé. Ils utilisaient aussi le noir de carbone en sous-couche; celui-ci confère plus de profondeur à l’azurite posée en deuxième couche. L’intérêt de ces sous-couches est de multiplier les nuances grâce à la superposition tout en utilisant le pigment de manière parcimonieuse.

    Prélever une petite quantité de pigment avec le couteau à palette et déposez-le sur la plaque en verre (ou en marbre, ou le miroir). Trempez la molette dans l’eau et avec le poignet, décrivez des « huit » sur le petit tas de pigment. Au début vous entendrez le pigment crisser. Le mélange vous apparaitra ensuite plus clair. Cinq minutes devraient suffire.

    Avec le couteau à palette, ramenez le pigment broyé vers le centre. Rajoutez de la colle de peau afin d’obtenir la consistance qui vous convient. Et voilà, la peinture en sous-couche est prête!

    Etalez-là sur le support et attendez qu’elle sèche pour mettre la deuxième couche. Violette Demonty recommande de ne pas revenir sur votre passage lors de l’étalage de la première couche.

    Pour la sous-couche noire procédez comme pour la sous-couche bleue: remplacez l’azurite par du pigment noir.

    Inutile de broyer l’azurite pour la deuxième couche: vous aurez un bleu plus profond en le mélangeant directement avec la colle.

    A vous de jouer!

    Jetez-vous à l’eau et partagez votre expérience en commentaire.

    Pour ma part je trouve l’azurite particulièrement intéressante avec la sous-couche noire. Si je décide de l’introduire dans un travail personnel, ce sera sous cette forme.

    J’aimerais cependant aussi l’utiliser en « scraffite » sur de l’or, c’est-à-dire en deuxième couche sur une feuille d’or avec des parties évidées qui le font apparaître tout en finesse.

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    2 commentaires sur “L’azurite — émotions bleues”

    1. Pour ma part, je n’ai jamais testé de faire mes propres couleurs car j’aime les acheter (et là, j’ai ce qu’il faut en feutres et peintures, ça me suffit). J’ai l’impression qu’il faut du temps, du matériel, de la place. Et je n’ai jamais eu l’âme d’une petite chimiste. Mais un stage pour tester, pourquoi pas ? En tout cas, ce bleu est très beau !

      1. Merci de ton commentaire Y-Lan. En effet, aujourd’hui nous disposons d’un tel choix de peintures de qualité que déjà toutes les essayer paraît impossible. Du temps, certes, il en faut mais il peut faire partie d’un rituel de création, comme l’étape méditative pendant laquelle on se met en condition. Et pour ce type de peinture, inutile d’être chimiste, une âme de cuisinière suffit; ce qu’il faut avant tout c’est le goût de la surprise, l’émerveillement de ce qu’on fabrique soi-même. On arrive ainsi à une forme de démystification.

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