Guide sur la couleur et les mélanges de couleur (*)
Ce petit livre édité par Royal Talens, très pratique, donne des rudiments de la théorie de la couleur et explique comment les utiliser en peinture. Vous pouvez le télécharger ici.
Le livre est scindé en 4 chapitres:
- la formation de la couleur
- les propriétés des couleurs
- le mélange des couleurs
- l’utilisation de la couleur en peinture
Les illustrations, simples et nombreuses, sont très pédagogiques.
Le premier chapitre introduit la notion de spectre, fondamentale dans la compréhension de la couleur. En effet, une substance colorée renvoie tous les rayons du spectre solaire en différentes proportions (rarement nulle), et c’est cette proportion relative qui détermine la couleur perçue (illustration 6). Une couleur (pure) est définie comme l’une des couleurs de l’arc-en-ciel; ainsi le blanc, le noir et le gris, absents de l’arc-en-ciel, ne seraient, « en théorie », pas des couleurs.
Il introduit ensuite les colorants et les pigments, qui se distinguent notamment par leur résistance à la lumière — en défaveur des colorants dont l’usage dès lors devrait se limiter à des travaux temporaires. Les propriétés des pigments que sont (1) la résistance à la lumière, (2) le pouvoir couvrant et (3) l’intensité (i.e. pouvoir colorant) sont expliquées ainsi que leur représentations sur les étiquettes du commerce. On apprend aussi que plus le broyage des pigments est fin, plus la couleur est intense.
Le deuxième chapitre présente les propriétés suivantes des couleurs : température, ton, éclat et saturation tout en notant que dans d’autres publications, différents termes sont utilisés ou que ces mêmes termes peuvent y avoir un autre sens.
La température est traduite par le qualificatif chaud/froid qui correspond à l’impression de chaleur qu’on aurait dans une pièce de cette couleur. L’aspect relatif de cette propriété est soulignée: un vert peut sembler froid par rapport à un jaune et chaud par rapport à un bleu; le bleu est proposé comme « le » représentant d’une couleur froide et le jaune orangé, celui d’une couleur chaude.
Les notions de ton et de saturation sont expliquées par les proportions relatives des réflexions du spectre solaire. Le plus grand taux détermine le ton, c’est la couleur dominante. La saturation quant à elle est associée au degré de pureté de cette couleur. Les moins pures, i.e. noir, gris, blanc sont dites insaturées ou polluées.
L’éclat d’une couleur est assimilé à sa clarté, autrement dit, la proportion de lumière qu’elle réfléchit. Une couleur mélangée à un gris de même éclat gardera son éclat mais perdra en saturation.
Le troisième chapitre présente le mélange des couleurs réalisés au départ de peintures. Chaque substance colorée absorbant une partie du spectre, en les mélangeant, on en retirera d’autant plus, on parle alors de mélange soustractif, par opposition au mélange de lumières colorées, qui, les spectres s’ajoutant, constitue un mélange additif.
Deux systèmes sont alors proposés au départ de trois et de six couleurs.
Dans le premier système, les couleurs primaires: jaune citron, cyan (bleu) et magenta (rouge) sont définies comme telles parce que d’une part, par mélange, elles permettent d’obtenir n’importe quel ton ainsi que le noir, et d’autre part, on ne peut peut les obtenir par mélange. Les figures 16 et 17 illustrent comment, au départ de ces trois primaires organisées à équidistance sur un cercle, on peut disposer de six couleurs ( jaune, orange: jaune + magenta, magenta, violet: magenta + cyan, cyan, vert: cyan + jaune) puis douze, en mélangeant à nouveau chacune des voisines entre elles. On pourrait répéter cette opération jusqu’à ce que les couleurs se fondent entre elles. Ensuite, en mélangeant ces couleurs avec du blanc et du noir on élargit encore le nombre de possibilités. On peut se passer du noir: en mélangeant une couleur avec celle qui est opposée sur le cercle, on obtient un gris très foncé, chacune ôtant une partie différente du spectre de sorte que quasiment aucune partie n’est réfléchie. Les couleurs qui, mélangées, donnent du noir sont dites complémentaires. Les trois couleurs produites par mélanges des primaires sont appelées secondaires. Le mélange de deux secondaires voisines sur le cercle donne une couleur tertiaire. Le défaut des couleurs produites par ce système de mélange est leur manque de saturation. C’est pourquoi un système à partir de six couleurs est proposé (figure 26) : un bleu plus violet (outremer) est ajouté , un autre jaune plus orangé, et un rouge (vermillon). Ces trois couleurs prennent place sur le cercle en remplaçant certaines couleurs du mélange des trois primaires.
Les mélanges optiques sont alors abordés; les mélanges pointillistes et par glacis, classés dans cette catégorie, sont expliqués.
Le mélange pointilliste consiste à réaliser une couleur par juxtaposition de tâches ou points, par exemple une surface couverte de points jaunes et bleus donnera l’impression d’être verte. Des juxtapositions de couleurs complémentaires donneront par mélange optique une couleur moins saturée. Des points blancs, noirs et gris vont également influencer l’éclat et la saturation résultante du mélange optique. Les points peuvent être appliqués sur une surface colorée ou blanche, le mélange optique résultant en sera plus ou moins saturé.
Le mélange par superposition de couches de peintures transparentes est appelé glacis. Pour de meilleurs résultats le guide recommande de superposer des couleurs de plus en plus foncées. Cette technique ne convient pas pour la gouache en raison de son opacité.
Le dernier chapitre explique comment utiliser les propriétés des couleurs dans la réalisation d’un tableau pour des effets de profondeur et de réalisme.
Au départ de l’observation d’une photo d’un paysage de sapins en montage, l’impression de profondeur est analysée; elle résulte d’une part du changement de la taille de mêmes objets (i.e. les sapins) en fonction des différents plans et d’autre part d’un changement de couleur. Quatre plans sont identifiés sur la photo: l’avant-plan constitué de grands sapins, le deuxième plan comprenant des sapins situés derrière un lac, le troisième, la montage sur laquelle les sapins sont encore distincts, et enfin le dernier constitué de la montagne et du ciel, où plus aucun objet n’est discernable. Chaque plan est analysé à partir d’un couple de couleurs de ce plan: l’une représentative des couleurs les plus claires, l’autre, des plus sombres. Le constat est le suivant: les verts du premier plan sont plus chauds (i.e. jaune), et deviennent de plus en plus froids (i.e. bleus) au fur et à mesure des plans successifs. Cet effet joue sur les deux éléments du couple. D’autre part, plus on s’éloigne, plus le contraste entre la couleur la plus foncée et la plus claire du plan diminue et plus la couleur perd en saturation. De cette analyse on tire ces trois règles:
(1) « La température des couleurs diminue au fur et à mesure qu’augmente la distance par rapport à cette couleur (x). La couleur devient plus froide . »
(2) « Une couleur foncée s’éclaircit toujours quand elle s’éloigne ».
(3) « la saturation d’une couleur diminue au fur et à mesure qu’on s’éloigne ». Au zénith cependant, la couleur du ciel est plus saturée, et donc cette règle n’est valable que pour la distance à l’horizon.
Des illustrations graphiques montrent comment ces effets de chaud/froid (figure 36), clair/foncé (figure 37), variation de contraste (figure 38) et de saturation (figure 39) sont utilisés pour créer de la profondeur.
L’artiste combinera ces différents effets ainsi que la variation de taille et de forme pour produire l’effet de profondeur souhaité; les illustrations 40-44 sont plus ou moins convaincantes.
Pour terminer, l’amélioration de l’impression de profondeur dans les illustrations 45 et 47 est largement commentée. Dans ce dernier cas, deux étapes très convaincantes montrent comment l’usage de ces jeux de température de couleur, de saturation et de contraste local permet non seulement de renforcer la profondeur mais aussi le réalisme du tableau.
En annexe on trouve une liste des numéros des produits des trois primaires pour les couleurs à l’huile, acryliques, aquarelle, gouache, écoline et decorfin pour les différentes gammes de produits proposés par Royal Talens.
critique:
cote globale: 4/5
Ce petit guide est excellent pour sa concision, sa simplicité et ses illustrations pédagogiques. Les termes utilisés sont bien définis et le lecteur est mis en garde par rapport à la non-universalité de ceux-ci. Son défaut principal est de faire l’impasse sur le système visuel, fondamental dans la compréhension de la couleur.
Au-delà du choix discutable de vocabulaire, quelques petites erreurs sont présentes.
Définir une « couleur », fut-elle qualifiée de « pure », comme l’une des couleurs de l’arc-en-ciel, exclut non seulement le noir, le blanc et les gris mais aussi le magenta, le marron, le rose. Je préfère nommer « couleur » la perception visuelle du spectre réfléchi par la surface et parler de « couleur spectrale » pour une couleur de l’arc-en-ciel.
On peut voir la teinte comme la couleur dominante (i.e. elle « domine » dans la perception), mais cela ne veut pas dire que l’onde monochromatique correspondant à cette couleur domine dans le spectre réfléchi comme le prétend le guide; pour preuve le spectre réfléchi par un citron jaune ne présente pas de pic entre 570 et 580 nanomètres.
La couleur est une production de l’esprit: c’est un jugement complexe établi à partir de plusieurs données: la source de lumière éclairant la surface colorée, la partie réfléchie de cette source et probablement, en moindre mesure, notre culture. En simplifiant, on peut se limiter au traitement de la partie du spectre solaire réfléchie par la surface colorée mais on ne peut simplifier à outrance en lui attribuant une couleur qui serait le mélange des couleurs associées aux rayons du spectre solaire.
Pour les curieux, je pourrai donner des articles permettant de mieux comprendre la perception colorée.
Ca me donne envie de le lire !