Octobre peut encore nous offrir de magnifiques journées, douces et lumineuses. Profitez-en pour découvrir trois expositions à Ostende, où la photographie, la peinture et l’illustration s’invitent en bord de mer.
C’est en grande partie un point de vue chromatique qui a orienté mon choix subjectif parmi les œuvres, révélant la manière dont chaque artiste traite la couleur.
Notez que toutes les photographies ont été prises in situ. Pour une meilleure qualité, suivez les liens proposés.
Biennale de la photographie
Jusqu’au 16/11/25, la Biennale de la photographie anime toute la ville. Je ne relate ici que ma visite dans quelques lieux gratuits.

Le coup de coeur: Friek Janssens
Sur la digue déjà, le travail de Frieke Janssens attire l’œil. Vous vous souvenez peut-être de son Rendez-vous, réappropriation de la Vénus de Botticelli dans le défi couleur #12. Ici, son œuvre se déploie dans un dispositif simple – hublots et grands panneaux – qui incite à la découverte.
On y retrouve sa signature chromatique: une palette limitée, des fonds sourds ou pastels, des touches de couleurs précises. J’apprécie la variété de ses thématiques : politiquement incorrecte (des enfants qui fument), décalée (une dame âgée en maillot de bain en pose catalogue), surréaliste (un homme s’enfonce dans un mur décoré de papier-peint).

Son traitement de la couleur est à l’opposé de celui de Sanja Marušić, exposée plus loin, au « Drie Gapers ». Celle-ci en effet joue sur les couleurs saturées dans des compositions très simples. Cependant, cette femme perdue dans un univers sombre, traversé de fenêtres, sur un camaïeu de roses, jaunes et orangés semble faire exception. Un ovni dans sa production actuelle ou l’effet de la technique d’impression ?

Autres découvertes
La Biennale ne se limite bien sûr pas à ces deux artistes. Le long de la galerie roi Baudoin, chaque photographe participant est représenté par quelques très grands formats. Cela donne envie de prolonger la visite : au Fort Napoléon, à l’église anglicane ou dans d’autres lieux.

Parmi mes découvertes : l’univers insolite de Jan Pypers, la poésie surréaliste de Maia Flore, et la vision d’Ostende par Adrien Hendrickx . Je partage avec Fred Debrock une fascination pour le Palace des Thermes, dans ce jeu de reflets. Parfois d’abandon ou désuétude.

Chaque automne, l’appel de la mer me ramène en ce lieu. J’en ai laissé quelques traces sur Instagram ici en 2017, là en 2018, encore en 2019 ou en 2021. Mais ceci ce sera bientôt de l’histoire passée, car enfin ce joyau architectural est en cours de rénovation. En attendant, il est toujours possible de déguster des croquettes de crevettes à la Brasserie Albert, avec vue sur la plage.

Un regret
Il me reste un regret : n’avoir pu voir les images pictorialistes de Valerie Naessens. Son esthétique m’évoque Nocturne en bleu et or de Whistler, et plus largement cette fameuse heure magique (voir défi #7). Mais son travail m’attend à la galerie P jusqu’au 16 novembre.
Le Mu.Zee aux Galeries vénitiennes
L’exposition « Il fait dimanche sur la mer », organisée par le Mu.Zee, actuellement en travaux, emprunte son titre à un vers d’Émile Verhaeren, profondément lié à l’imaginaire belge de la mer. Elle partage l’espace limité mais charmant, avec deux autres expositions, jusqu’au 22/2/26.
L’une, dédiée aux réserves du Musée, vous invite dans les coulisses muséales. Des oeuvres installées sur des grilles, sans beaucoup de recul, vous donnent une idée des richesses muséales. L’autre, plus contemporaine, située au coeur de l’espace, évoque les catastrophes écologiques dans une installation « Platic Reef ». Recevez ici votre dose de culpabilité pour participer au naufrage collectif toxique.
Il fait dimanche sur la mer
Une petite brochure bilingue accompagne l’exposition, reprenant l’intégralité du poème de Verhaeren. Ici, ce sont les mots qui servent de fil conducteur : sans images, le texte dialogue avec les œuvres. Une belle idée ! De plus, on y apprend que, dans l’exposition, quelques œuvres sont protégées par un dispositif pour éviter la dégradation due aux UV. Malgré une signalisation bien claire, elles m’ont échappées, aussi y suis retournée rapidement. Ces œuvres fragiles ne sont pas celles que je retiendrai de l’exposition, aussi, consolez-vous si vous passez à côté.
Les classiques
Cette petite exposition réduite à l’aile gauche de la galerie, m’a comblée. Je ne me lasse pas des marines de Spilliaert. Et je me suis délectée de celle-ci, dans les tons chauds du sable sous un ciel lumineux.

Je connais par ailleurs Constantin Meunier sculpteur, mais découvre ici le peintre. Certes, les tons tristes des Pêcheuses de crevettes à Mariakerke ne sont pas pour nous réjouir, mais quelle présence dans ces personnages affrontant les éléments! En quelques traits de pinceau les voilà campés, solides comme des sculptures. Quel contraste avec la vision tout aussi intéressante d’Edouard Pignon! Dans sa proposition quasi abstraite du même sujet, il oppose un orange vif et des jaunes sur un fond gris. Et pourtant, le temps maussade transparaît tout autant.


La surprise
Quelle surprise de découvrir là une aquarelle d’Erich Heckel, expressionniste allemand et membre fondateur de Die Brücke. Ostende intemporelle, encore la digue près de Thermes.

L’artiste a passé 5 ans dans les Flandres. Il y a réalisé 75 peintures et des centaines de dessins et d’aquarelles. Les fonds Mercator ont d’ailleurs consacré un livre à ce sujet.

Bien sûr il y a aussi Ensor et sa peinture d’Ostende côté ville, Ostende ne semble pas avoir changé depuis. D’autres « classiques » encore, mais impossible de les évoquer tous ici.
Et encore…
Dans un registre plus méditatif, Robert Clicque peint de simples horizons de mer et de ciel, ouvrant un espace contemplatif.

Enfin, une petite installation, un magasin désuet de coquillages et de cartes postales, souffle un vent de nostalgie. Si vous n’y êtes pas sensibles, elle vous fera au moins sourire.
Et pour terminer ce parcours, voici encore Le Paysage avec des campanules de Juliette Wytsman dont la palette évoque celle de Monet à Giverny.

Humo-isme – Villa Volta
Dernière halte à la Villa Volta, jolie architecture de la Belle Époque, qui accueille l’exposition Humo-isme jusqu’au 2/11/2025 (vendredi à dimanche, 14h-18h).
Je m’y suis rendue motivée par les noms d’Ever Meulen et de Joost Swarte, figures qui ont marqué le graphisme bruxellois des années 80 et la grande époque de Plaizier.
Le titre de l’exposition fait référence à l’hebdomadaire Humo, qui révéla notamment ces illustrateurs. Depuis, leur notoriété a largement dépassé nos frontières : Joost Swarte a réalisé de nombreuses couvertures pour The New Yorker — réunies notamment dans le New York Boek — tandis que Louis Vuitton a confié à Ever Meulen le carnet de voyage de sa collection pour Bruxelles, une véritable lettre d’amour à la ville.
Donc, quatre artistes ( Ever Meulen, Joost Swarte, Kamagurka et Herr Seele) exposent à la villa, chacun ayant carte blanche pour son étage.
L’entrée est de 5€, ce qui vous donne droit à un café et un biscuit, à déguster au sous-sol où vous pourrez aussi acheter des cartes postales et profiter du petit jardin.
Parcours guidé
Si j’ai été un peu frustrée par le nombre restreint de travaux présentés pour Ever Meulen, j’ai retrouvé son style graphique reconnaissable. J’aurais aimé cependant voir plus de ses sérigraphies, dont celles encore commercialisées.

L’espace de Joost Swarte m’a davantage séduite grâce à l’abondance de planches, où narration et typographie se marient avec humour et efficacité. Pas facile de réussir une exposition de bande dessinée, ici, ça fonctionne.

La salle consacrée aux couvertures de Humo est, elle, impressionnante : on y découvre à la fois une histoire du graphisme belge et une chronique des préoccupations d’une frange de la société flamande.


Je suis moins sensible à l’univers de Kamagurka, pourtant choisi pour l’affiche. Quant à Herr Seele, il clôt le parcours avec des peintures pseudo-classiques, joyeusement décalées, héritières à la fois des anciens maîtres et du surréalisme belge. Certaines satires — Trump ou Musk — sont attendues, mais on sent l’artiste s’amuser, et nous tout autant.

Allez-y!
Trois propositions pour aborder la couleur à Ostende , une belle opportunité également de profiter de la côte sous la lumière d’automne.
