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Mes trois astuces pour développer ma créativité

    Cet article participe à un « carnaval ».

    Ici, pas de masque ni de serpentin mais plein de couleurs: celles de blogueurs volontaires qui partagent leurs astuces-créativité. Ce carnaval d’articles est organisé par Barbara du blog Le patron de mes rêves. Là, pas de boss idéal — le boss idéal, c’est vous— mais le patron qui vous permettra de réaliser le vêtement de vos rêves. Et si vous le voulez coloré, lisez-y mon article invité. Par ailleurs, durant le mois de mai vous y découvrirez toutes ces astuces-créativité proposées par les blogueurs. Elles seront disponibles plus tard sous forme d’une compilation.

    L’art d’associer des couleurs n’est pas qu’une affaire de goût. Décider d’une gamme de couleurs à partir de zéro ou à partir de quelques couleurs, que ce soit pour une marque, une affiche, un intérieur, des vêtements ou tout autre projet exige aussi de la créativité.

    Personnellement, j’ai plus de trois astuces pour la développer; certaines vous sont certainement familières comme celle de transposer une technique d’un domaine à un autre. Le principe de l’appropriation dans les défis couleur #11 et #12 se base sur ce procédé.

    Celles présentées ci-dessous et leur association avec d’autres plus connues sont peut-être plus inattendues. Elles sont appliquées à la pratique artistique (dessin, peinture, gravure, photographie), mais rien ne vous empêche de les appliquer à d’autres domaines. Mais avant les aborder, comme de coutume sur ce blog, un petit détour scientifique dédié à quelques études étonnantes sur le sujet.

    Vinciane Lacroix, papier marbré (résultat de deux astuces recommandées ici).

    Quelques études étonnantes sur la créativité

    Voici une synthèse d’une série d’études démontrant l’efficacité ou l’inefficacité de procédés favorisant la production d’idées créatives. Le Professeur Richard Wiseman les relate dans le chapitre « Creativity » de son livre « 59 seconds Think a little Change a lot ». Ce livre est disponible en français sous le titre « 59 secondes pour prendre les bonnes décisions ».

    Le rôle de l’inconscient

    Face à une tâche, le conscient et inconscient sont sollicités. Wiseman les voit comme deux individus: le conscient, intelligent et de forte personnalité, domine l’inconscient timide et créatif. Le conscient parle toujours plus fort et empêche l’inconscient de s’exprimer. Sauf si on l’occupe à une autre tâche…

    Dans cette étude des volontaires devaient trouver un nom original de plat de pâtes. Pour les inspirer, les organisateurs leur ont donné des exemples à consonance italienne, tous terminant par « i ». Un groupe avait trois minutes pour réfléchir à la question tandis qu’un autre groupe devait se concentrer pour suivre des points sur un écran d’ordinateur. Les deux groupes devaient ensuite faire des propositions. Le premier est resté avec des noms terminant par « i » contrairement au deuxième, ce qui, selon les concepteurs, serait une preuve de créativité. Depuis d’autres études se sont penchées sur le rôle créatif de l’inconscient.

    Le conseil alors? Après avoir entendu le problème à résoudre, occupez votre esprit à une tâche qui demande concentration, puis revenez au problème. Des solutions innovantes vous apparaîtront.

    La couleur verte stimule la créativité

    Des études montrent que la verdure non seulement réduirait le comportement anti-social mais rendrait les gens plus créatifs. Et par extension, la couleur verte stimulerait la créativité. L’hypothèse sous-jacente est que la créativité ne peut se développer que si l’on est calme et relaxé. Le vert, associé à la végétation et à l’abondance de nourriture dans notre cerveau primitif, nous met dans cet état, par opposition au rouge qui a le don de nous exciter.

    L’inefficacité du « brainstorming »

    Une autre étude dément l’efficacité du « brainstorming » — cette méthode qui consiste à mettre plusieurs personnes ensemble pour développer des idées créatives. Selon cette étude, elle ne produit pas des résultats plus intéressants ni plus créatifs que ceux réalisés par les personnes individuelles. Une des raisons serait la diffusion de la responsabilité: seul face à un défi on doit endosser la responsabilité de l’échec et on espère la gloire du succès. Dans un groupe on pourra toujours blâmer les autres de l’échec et s’attribuer la gloire collective; on s’investira donc moins.

    Voici à présent les astuces qui fonctionnent pour moi.

    1. Ajouter des contraintes

    Curieusement, ajouter des contraintes m’aide à trouver des solutions originales.

    Le défi couleur proposé dans ce blog — un problème couleur, comment des artistes l’ont résolu et quelle solution je propose — en est un bel exemple. Des contraintes relatives à la fréquence, au format de l’article, au contenu, m’amènent à rédiger des articles personnels et à explorer la couleur autrement.

    En dessin

    Dans la pratique du dessin plusieurs exercices contraignants ont stimulé ma créativité: réaliser des croquis dans un temps très court, ou sans regarder la feuille, ou encore à la main gauche… Les contraintes peuvent concerner les outils comme dessiner avec trois crayons à la fois, ou peindre des personnages avec un très gros pinceau.

    Pour le croquis, j’avais des difficultés à placer correctement les ombres. Elles étaient hésitantes et molles. J’ai pensé que la linogravure qui consiste à évider une plaque de linoléum, m’aiderait à prendre des décisions plus franches. C’est une technique qui impose de bien distribuer les masses claires et sombres, une difficulté qui stimule la créativité. Comme vous le voyez ci-dessous, mes ombres sont devenues très graphiques. Vous pouvez voir d’autres linogravures que j’ai réalisées ici.

    Vinciane Lacroix, « Au Niger », linogravure

    En peinture

    En peinture, après de multiples essais, j’ai développé une technique nécessitant uniquement un papier velours noir —habituellement utilisé pour le pastel —, de la peinture blanche et un outil de plastique souple (carte de banque ou couteau-à-peindre). Prendre un médium dédié à un domaine et l’utiliser dans un autre, est également source de surprise. Voyez un résultat ci-dessous et d’autres sur mon portfolio.

    Vinciane Lacroix, "Paysage", peinture blanche sur papier velours (CC-BY-SA)
    Vinciane Lacroix, « Paysage », peinture blanche sur papier velours (CC-BY-SA)

    Pour maîtriser la couleur, se limiter à une palette restreinte (voir le défi #3) ou la choisir dans un registre donné (voir le défi #7) ou encore les choisir au hasard (voir l’astuce suivante) vous emmènera hors des sentiers battus. Mettez de côté vos créations, et revenez-y plus tard, avec un regard neuf. Quelles surprises ces contraintes ont-elles apporté? Quelles pistes sont à creuser?

    Picasso dit: « Quand je n’ai plus de bleu, je mets du rouge ». Et si vous remplaciez aussi une teinte à laquelle tout le monde s’attend dans un contexte donné par une autre? Comme par exemple du bleu dans un visage, ou du rouge sur une pelouse?

    En photographie

    En photographie argentique, pour des raisons à la fois pratiques et économiques, on se limitait dans le nombre de prises de vue. À l’ère numérique cette contrainte a quasiment disparu. Les photos sont-elles meilleures pour autant? Pas forcément: on réfléchit moins en déclenchant et on postpose la décision du choix au moment de l’édition. Le photographe Klavdij Sluban recommande de s’imposer un nombre limité de photographies quand on travaille en numérique. J’améliore aussi la qualité de mes photographies en m’imposant cette règle.

    2. Inviter le hasard

    Le hasard dans les découvertes

    Plusieurs découvertes sont le fruit du hasard. C’est le cas de certains pigments synthétiques tels le bleu de Prusse et plus récemment, le noir le plus profond du monde, encore plus noir que le Vantablack.

    L’invention du bleu de Prusse est purement fortuit. Un marchand de couleur cherchait à produire un rouge carmin dont la fabrication nécessitait de la potasse. Comme Il en manquait, il en emprunte à un collègue, ignorant qu’elle est contaminée par du sang animal. À sa grande surprise le précipité produit un bleu profond.

    Le pigment noir extrêmement profond doit son existence à une recherche d’amélioration de propriétés thermiques par nanotubes de carbone. En les alignant verticalement sur une feuille d’aluminium, les chercheurs ont été surpris par le noir exceptionnel du matériau obtenu.

    Le hasard dans la pratique artistique

    En photographie

    Le mouvement « LOMOGRAPHY » préconise l’usage du LOMO, un appareil photo argentique bon marché en suivant une dizaine de règles dont certaines, reprises ci-dessous, favorisent explicitement le hasard et l’inconscient.

    • Essaie la prise de vue sans viser
    • Ne réfléchis pas
    • Sois rapide
    • Tu n’as pas à savoir à l’avance ce que tu prends en photo
    • Ni par la suite
    • Ne te préoccupe pas des règles !

    Si suivre ces règles systématiquement peut générer beaucoup de déchets, les appliquer à l’occasion permet surprises et belles découvertes. Par exemple, quand un endroit me paraît photogénique mais que je dois attendre trop longtemps pour avoir la lumière dont je rêve ou le champ parfaitement dégagé, je me retourne et souvent, je suis surprise par une situation encore plus intéressante.

    La technique de la superposition de photographies en argentique donnait souvent des résultats inattendus au moment du développement. L’idée était de prendre une première photographie en la sous-exposant, puis en reprendre une deuxième sans faire avancer le film. Une alternative consistait à utiliser tout un film en sous-exposant les photos, le rembobiner, et l’exposer une nouvelle fois, toujours en sous-exposition. Les résultats révèlent des surprises…que l’on peut provoquer par la suite. Rien n’empêche d’utiliser cette technique en numérique. Les « accidents » provoqués par des éraflures, des défauts de l’appareil, des flous de bougé peuvent également être exploités en numérique.

    Vinciane Lacroix photographie numérique et hasard; à gauche: flou de bougé; à droite: superposition (CC-BY-SA)

    En peinture

    En travaillant avec de l’encre de chine j’ai observé par hasard les dessins de l’encre sur la surface de l’eau dans le bocal de rinçage. J’ai voulu reproduire ces dessins sur du papier si bien que j’ai redécouvert par moi-même la technique du papier marbré. Je l’ai explorée dans plusieurs directions: en prenant en photo un bac chargé d’encre, en transférant la surface de l’eau en y apposant une feuille de papier, en faisant couler de l’eau sur le papier et en rajoutant de l’encre, et, sur le conseil d’une amie, de la colle blanche. Enfin j’ai en procédé de la même manière avec des encres colorées. Ci-dessous une vue d’ensemble de ces recherches et ici, dans une meilleure définition.

     Vinciane Lacroix, photographies, encre de chine et colle en suspension (CC-BY-SA)
    Vinciane Lacroix, photographies, encre de chine et colle en suspension (CC-BY-SA)
    Vinciane Lacroix, Encre et Hasard. À gauche, « Bouleaux » (encre et colle); à droite, « Montagne » (CC-BY-SA)
    Vinciane Lacroix, papier marbré (CC-BY-SA)
    Vinciane Lacroix, papier marbré (CC-BY-SA)

    Le jeu « cadavre exquis » , inventé par les surréalistes, repose sur la combinaison des deux astuces. Le but du jeu consiste à faire composer une phrase ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu’aucune d’elles ne puisse tenir compte des interventions précédentes. 

    Pour composer une phrase, la contrainte est la suivante: chaque participant écrit à tour de rôle une partie d’une phrase, dans l’ordre sujet–verbe–complément, sans savoir ce que le précédent a écrit. Pour le dessin, il peut ‘agir de dessiner une tête, puis un corps puis des jambes, selon le même principe. Le hasard de la composition produit ainsi des surprises: « Le cadavre – exquis – boira – le vin – nouveau. » a été la première.

    La peinture présentée dans le premier paragraphe est aussi le résultat de l’application de ces deux astuces: une gamme de couleur restreinte et le mélange aléatoire provoqué par les encres en suspension sur l’eau.

    3. Prendre une pause: laisser vaquer son esprit

    Le peintre Salvador Dali (1904-1989) avait l’habitude de s’asseoir dans un fauteuil, le coude posé sur l’accoudoir, la main ballante tenant une cuillère placée au-dessus d’un récipient métallique. Il se laissait aller au sommeil, et ce faisant, laissait inévitablement tomber la cuillère, ce qui ne manquait pas de le réveiller. Il notait alors les images bizarres qui lui étaient venues à l’esprit.

    Personnellement je n’arrive pas à produire de tels épisodes de micro-sommeil, mais de courtes (ou moins courtes) siestes et toutes les nuits me sont bénéfiques. Plusieurs solutions à un problème insoluble la veille s’offrent à moi le matin, surtout sous la douche. Richard Wiseman y voit comme le travail de l’inconscient qui a le plein pouvoir dans notre sommeil.

    Pour ma part, prendre une pause, c’est surtout laisser aller mon esprit dans une autre direction. Dans ma carrière de chercheur, les séances créatives en atelier artistiques le soir me détendaient et réalisaient sans doute de nouvelles connexions dans mon cerveau. Par ailleurs passer tout mon temps dans de telles activités ne me serait pas supportable: j’ai besoin de variété.

    Le sport, la balade photographique, celle qui permet de m’émerveiller d’un rayon de lumière ou d’un parfum révélé par la pluie, un beau livre ou une exposition, permet à mon esprit de faire de nouvelles connexions; il ne tardera pas à les exploiter à des fins créatives.

    À vous de jouer

    Appliquez les méthodes étonnantes proposées par Richard Wiseman, et jugez par vous-mêmes de leur potentiel créatif.

    Avez-vous déjà essayé celles que je propose? Les avez-vous déjà combinées? Appliquez-les pour lancer de nouvelles pistes dans vos créations personnelles, qu’elles soient colorées ou non. Donnez-moi des nouvelles des résultats obtenus.

    Et les vôtres, quelles sont-elles? Partagez-les également en commentaires.

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    2 commentaires sur “Mes trois astuces pour développer ma créativité”

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